Vous avez sûrement aperçu dans les arrivages, les étals, ou au passage en caisse dans l’Épicerie, s’afficher le nom de « Floréal », accolé à certains fruits et légumes exotiques… Ce nom n’a pas échappé non plus à l’un de nos coopérateurs, Siméon, qui a eu le plaisir de rencontrer Monsieur Floréal en personne, en faisant de l’auto-stop au retour de la COP 22 au Maroc en 2016. Siméon l’a interviewé à l’époque, sans savoir que les fruits exotiques Floréal se retrouveraient quelques années plus tard dans les rayons de l’Épicerie. Ci-dessous son récit. Pour le retrouver en version complète, cliquez ici
En voyant le nom de Floréal sur l’une des cagettes de fruits à l’Épicerie, je me suis rappelé une rencontre : un homme du même nom que j’avais interviewé, au retour de la COP 22 marocaine en 2016, en autostop. J’avais même failli monter à bord d’un de ses camions de livraison pour rejoindre la France. Il m’avait alors tout expliqué, de sa philosophie, de son travail, de son chemin de vie. Il avait juste oublié de me mentionner qu’il avait donné son nom à la coopérative, créée avec d’autres paysans andalous…
Devenu aujourd’hui coopérateur de Demain, je voulais vous partager mon entretien avec cet homme très inspirant. Pas du style solide gaillard charismatique, non. Plutôt fluet et guilleret, sérieux quand il faut l’être, mais toujours avec un brin de malice au fond des yeux.
« Ici, ce qu’on fait, c’est travailler avec les AMAP, aider les paysans à écouler leurs productions » explique-t-il. « Les paysans avec qui on travaille sont très contents de savoir où vont leurs fruits. Qu’il y a des gens derrière. Et qu’ils leur donnent de bons produits. »
C’est une fierté que je retrouve chez chacun, ici, dans ces petites fermes entourées de vergers. Ils me font goûter leurs fruits, ceux qu’ils viennent tout juste de récolter, avec le regard attentionné à toutes mes expressions, afin d’être certains que j’en apprécie toute la saveur, sucrée et onctueuse. Ici, l’abricot juteux, là, la mangue sans pareille…
« S’il n’y a plus de lien, on le substitue par la consommation, qui est un ersatz de lien », explique Floréal, rappelant l’importance de penser les actions de manière holistique. Partisan d’une écologie sociale, il lui semble fondamental d’éliminer les rapports de domination, pour refonder une société partant des nécessités réelles des gens (matérielles ou culturelles). Pour en arriver là, il sera nécessaire de fédérer une multiplicité de solutions, en réseaux, par une habile communication.
Pour lui, la coopérative n’est pas une fin en soi. Pas même une réussite. Et ce, malgré la prouesse d’acheminer fruits et légumes exotiques produits sainement vers l’Espagne et la France, en se passant d’intermédiaires. Elle n’est qu’un laboratoire d’utopies créé « pour essayer de comprendre et mettre en pratique ce qu’on pensait. »
Il est certain que « cette rupture entre société et nature n’est pas forcément une nécessité. La société peut très bien s’inscrire dans les écosystèmes. » Voire les aider, l’humain étant un être conscient.
« L’esprit paysan, c’est quelque chose de très important pour l’équilibre de la société », conclut Floréal, certain que notre monde occidental gagnerait à retrouver cette dimension. « Il y a une certaine fierté par rapport à ce qu’on fait comme paysan : on soigne la terre, puis tous les maillons de cette chaîne, de l’arbre au fruit. Il y a une dimension transcendante. On voit alors que l’être humain fait partie de quelque chose de plus grand. Et puis il y a le fait d’être utile, avec toute sa dimension sociale… ». Et cette dignité retrouvée, socle du maintien d’une paysannerie, se fait par le choix conscient des consommateurs, et des circuits qu’ils alimentent…
Siméon Baldit de Barral
(Président et explor’acteur de On the Green Road)